Ses amis, ses successeurs

Les héritiers d'Alphy

On nous demande souvent si Allais a des héritiers.


À cette question précise nous répondrons sans ambages : p’t’être ben que oui, p’t’être ben que non. D’abord parce que cette réponse est normande à souhaits - et Alphy était Normand -, ensuite parce que s’il est à la source de l’humour moderne, comme l’ont si bien défini Daniel Grojnowski et Bernard Sarrazin dans leur ouvrage Fumisteries, Naissance de l’humour moderne 1870-1914 (Omnibus, 2011), il n’a pas la prétention d’avoir inventé l’humour.

Combien de prédécesseurs, pour ne parler que de notre beau pays de France ! Comment ne pas penser à Rabelais, à Molière et à tant d’autres depuis l’époque classique jusqu’à nos jours. Qui retenir pour la postérité ? « J’aime mieux aller hériter à la poste qu’aller à la postérité » écrivait déjà Louis-Auguste Commerson, dans ses Pensées d’un emballeur, trois ans avant la naissance d’Allais.

Qui devance Alphy ? Certes, Commerson, déjà cité, mais aussi Léon Bienvenu, dit Touchatout, directeur du Tintamarre, le journal drôle du milieu du XIXe siècle, ou bien le propre beau-frère d’Alphy, Charles Leroy, immortel créateur du Colonel Ramollot qu’il faut absolument (re)découvrir.

Qui hérite de lui ? Bien malin qui peut attribuer une part plus ou moins grande à tel ou tel de ses successeurs. Alors, pour sortir de ce guêpier, adoptons la seule attitude qui convienne, considérons qu’il ne s’agit là que d’un jeu, et tentons de rapprocher des esprits proches dans le calembour, la dérision, la culture de l’absurde et l’ironie plus ou moins bienveillante.

C’est ainsi qu’une majorité des admirateurs d’Allais et de praticiens de l’humour reconnaîtront Pierre Dac, le maître des loufoques, comme un fils spirituel d’Alphonse Allais, et, tout près de lui, son complice radiophonique Francis Blanche. Le génial Cami, malheureusement bien oublié aujourd’hui, est issu en droite ligne de l’enfant de Honfleur. Qu’on se donne la peine de lire ou de relire Les exploits du baron de Crac, L’homme à la tête d’épingle ou Pour lire sous la douche pour en être immédiatement convaincu.

Sur le plan du trait, il est difficile de ne pas ressortir les noms de Louis Forton, Chaval, Albert Dubout, Jean-Jacques Sempé, Jean-Marc Reiser ou encore Marcel Gotlib.

Alexandre Breffort et Maurice Biraud, incontestables virtuoses du calembour peuvent eux aussi être rangés sans hésitation dans la catégorie des héritiers d’Alphonse Allais.

De même, la qualité indéniable de l’écriture de Raymond Devos comme celle de Pierre Desproges font de ces deux humoristes – mot que l’on a hélas ! tendance à accoler de plus en plus au moindre amuseur trublion du P.A.F.1 venu – les authentiques prolongateurs de qualité de l’auteur de Vive la Vie !

Reste à savoir si en ces temps liberticides où rire est assimilé à une provocation et revient à sortir du rang dans lequel la société policée veut nous contenir, un nouvel Alphonse Allais est possible. Optimistes à tout crin, nous osons espérer que oui. Et vous ?

1 Que nos délicates lectrices ne se trouvent pas offusquées par ce sigle qui ne saurait désigner autre chose que le Paysage Audiovisuel Français.


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